LLOYD COLE – New Morning, 11 juin 2003

Lloyd Cole aime les choses bien faites. Lorsqu’il entre sur la scène du New Morning, la chemise blanche soigneusement rentrée dans le pantalon noir, personne dans l’assistance ne s’attend à ce qu’il la quitte (la scène, pas la chemise) trois chansons plus tard, désabusé et énervé. La raison d’un départ si soudain? Un simple branchement électrique défectueux. L’homme est seul avec sa guitare et cache avec peine ses émotions. Froncements de sourcils, regards au type derrière sa console, moue désabusée, soupir d’agacement, haussement d’épaules et voilà qu’il décrète un break et regagne sa loge devant un parterre de fans médusés. On a connu entrée en matière plus brillante…

Qu’à cela ne tienne, Lloyd Cole finit par reparaître, toujours courtois mais mal à l’aise, conscient d’avoir raté son début de concert. Le public du New Morning, tout acquis à sa cause, ne lui en tient pas rigueur, même quand le ténébreux est pris de trous de mémoire. Se faire souffler par une admiratrice l’intro de “Chelsea Hotel”, même si on n’a pas écrit la chanson, tout de même!
Heureusement, pour sauver sa prestation, Lloyd Cole peut compter sur des chansons de son propre répertoire… et sur un humour à froid ravageur. Lorsque le fracas des glaçons qu’on casse au bar du fond de la salle explose au milieu d’une balade murmurée, le gentleman crooner lâche, pince sans rire: “Pas besoin de batteur, merci…”. Plus tard, à quelques chansons de la fin, le voilà qui lance: “Il se fait tard. Certains d’entre vous doivent avoir des baby-sitters à libérer. Merci de quitter la salle en me faisant un petit signe si vous avez aimé le concert malgré tout. Ou en ne me montrant pas trop que vous l’avez détesté”. Rires jaunes dans l’assistance. C’est que, justement, la salle est remplie de ces jeunes parents plus si jeunes, qui ont vieilli avec leur idole. “Il change pas, le père Cole, toujours aussi beau gosse!”, entend-on dans la foule. On n’a pourtant pas souvenir que le “beau gosse” arborait des cheveux poivre-sel au temps des Commotions! “C’est loin tout ça…”, lisait-on dans le regard embué de jeunes quadras surpris à murmurer en silence “Forest Fire”, “Are you ready to be heartbroken?”, “Four flights up” ou “Jennifer She Said”. “Oui, c’est loin”, lisait-on aussi dans les yeux de Lloyd Cole, à la fois ému de compter sur un public si fidèle, et un peu déçu de voir que les chansons de ses premiers albums (dont les merveilleux “Why I Love Country Music”, “Cut Me Down”, “My Bag” ou “Hey Rusty”) récoltent toujours plus d’applaudissements que celles de ses derniers. Notre homme avait pourtant bien fait les choses, panachant habilement son concert de chansons “première période” (l’époque des Commotions), de sa période solo, de son “nouveau” groupe (les Negatives) et de reprises sobrement restituées (“The Partisan” et “Chelsea Hotel” de Leonard Cohen, “Pale Blue Eyes” du Velvet Underground, “People ain’t no good” de Nick Cave). Encore quelques belles ballades, deux-trois trous de mémoire et autant d’autodérision, un petit rappel et Lloyd Cole se sauve poliment en coulisses. Le public se disperse rapidement. Il y a les enfants à coucher.

Vincent Noyoux

Link to original article online

Publication: Popnews

Publication date: 11/06/03