A nice review, with translation appended.
Quand j’avais interviewé Lloyd Cole en 2003, je lui avais demandé si son premier album avec les Commotions, “Rattlesnakes”, bénéficierait d’une réédition en bonne et due forme à l’occasion du vingtième anniversaire de sa sortie, l’année suivante. A quoi il avait répondu que oui, sans doute, mais que n’étant plus sous contrat avec Polydor il ne serait donc pas forcément consulté, et qu’en outre il n’y aurait pas beaucoup d’outtakes à rajouter au disque original. La reparution de “Rattlesnakes” dans l’excellente collection “Deluxe Edition” (beaux objets, avec slipcase, double digipak et livret fourni), à peu près en même temps que “Three Imaginary Boys”, le premier Cure, est donc une bonne surprise. Et même si les bonus sont moins abondants et rares que pour d’autres rééditions de classiques, le fan comme le néophyte ont de quoi se réjouir.
Le premier CD propose simplement les dix titres de l’album remasterisés. Si l’on peut noter une réduction bienvenue des blancs entre les plages, l’amélioration sonore par rapport à l’édition CD précédente (qui datait des débuts de ce support ; c’est d’ailleurs le tout premier CD que j’ai acheté !) est moins évidente que dans le cas, par exemple, du premier album des Tindersticks, également ressorti cette année, et enregistré certes dans des conditions nettement plus artisanales. Mais ceux qui possèdent un matériel plus performant que le mien percevront sans doute la différence.
Musicalement, “Rattlesnakes”, sorti fin 1984, est un disque quasi parfait, sans doute l’un des meilleurs “debut albums” de la décennie, voire du demi-siècle. Il marquait, après l’explosion punk, le triomphe de la new wave et le règne (alors pas encore achevé) des néo-romantiques et des garçons coiffeurs à synthés, un retour à des mélodies fortes, des sons plus traditionnels, des atmosphères plus légères, un style vestimentaire plus sobre, déjà initié au début des années 80 par des groupes comme Orange Juice ou Aztec Camera – basés à Glasgow, comme les Commotions. Le milieu de la décennie vit ainsi débarquer une poignée de formations britanniques aux succès très divers, dont les premiers albums, sortis en 84 ou 85, firent l’effet d’une grande bouffée d’air frais : The Smiths, Everything But The Girl, The Pale Fountains, Prefab Sprout, Microdisney ou, dans un style plus noisy, The Jesus and Mary Chain.
De tous ces disques remarquables, devenus plus ou moins cultes, “Rattlesnakes” fut le plus remarqué, et celui qui se vendit le mieux. Les influences de Dylan, des Byrds ou du Velvet Underground, avec en plus un soupçon de soul vintage (particulièrement sur “Forest Fire”), sont évidentes mais totalement transcendées par la qualité des compositions et la finesse des musiciens. Vingt ans après, alors que bien des disques de l’époque ont fort mal vieilli, il se dégage encore de ces chansons aux attaques franches, aux guitares claires et aux arrangements de cordes toujours pertinents (signés par l’incontournable Ann Dudley) une fraîcheur rare.
Le second CD mêle démos, titres live, sessions radio et faces B de singles. L’occasion de découvrir dans des versions sensiblement différentes des chansons connues par cur. Le disque débute chronologiquement par la démo de “Are You Ready to Be Heartbroken ?” enregistrée à l’automne 1983 par Lloyd Cole, Blair Cowan et Neil Clark, assistés d’une boîte à rythmes et pas encore rejoints par le bassiste Lawrence Donegan et le batteur Stephen Irvine. Privée de la reprise du refrain et de la partie de cordes finale (dont on peut se demander si elle n’a pas fortement influencé Joe Pernice pour le sublime “Crestfallen” des Pernice Brothers), la chanson dure à peine plus de deux minutes. Le chant de Lloyd Cole est plus rapide et fiévreux que sur la version de l’album et louche vers un “talk-over” à la Lou Reed. “It came together very easily and we knew we were onto something good”, se souvient Blair dans les notes du livret : effectivement, ne manquait à ce stade-là que les moyens de concrétiser ces bonnes dispositions, que Polydor allait leur offrir quelques mois plus tard.
Les cinq morceaux live, captés entre juin 84 et septembre 85, montrent un groupe un peu brouillon, qui n’a pas encore atteint l’acmé de sa puissance scénique, mais dont l’osmose est éclatante. On retrouve deux titres absents de l’album, qui faisaient partie de leur maigre setlist à l’époque et qui figurent un peu plus loin en version studio : “Glory”, une reprise de Television, et surtout “Beautiful City”, seule véritable outtake de l’album, reposant sur une excellente suite de riffs plutôt que sur une vraie mélodie, d’où sa mise à l’écart. “2 cv”, enregistrée près d’un an après la sortie de l’album, révèle la popularité du groupe : le public chante les paroles avec Lloyd (“It sounds like the whole town knows our song”, constate-t-il dans les notes), ne manquent que les briquets.
Après les sessions radio, assez anecdotiques, viennent les B-sides des trois maxis extraits de l’album (“Perfect Skin”, “Forest Fire” et “Rattlesnakes”) qui, à l’exception de “Glory”, figuraient déjà sur le pressage CD européen. “Sweetness” aurait largement mérité une place sur l’album… si le groupe ne l’avait pas enregistrée un peu plus tard, au milieu d’une tournée. Destin étrange aussi pour “Jesus Said”, titre issu d’une session de 85, entre le premier et le second album, et qui refera surface en 87 sur la face B de “My Bag”.
On se permettra quelques bémols pour finir. L’absence des textes des chansons, d’abord, même s’ils doivent pouvoir se trouver sur Internet. Pour le reste, le livret, malgré quelques menues coquilles, est une lecture passionnante pour les fans. Le texte d’introduction par Lawrence Donegan et les commentaires morceau par morceau par les cinq ex-membres du groupe, bourrés d’anecdotes, permettent de corriger la réputation de sérieux et d’intellectualisme, voire de prétention, qui collait souvent à Lloyd Cole and the Commotions à leurs débuts, à cause notamment du “name-dropping” dans les textes. Les guitaristes anglophones apprécieront les précisions techniques du très talentueux Neil Clark (qui, au passage, cite John McLaughlin ou Bill Frisell), notamment sur son fameux solo pour “Forest Fire”. A ce propos, notons une étrangeté : la version de ce morceau figurant ici sur le premier disque n’est pas la “extended” du maxi (avec un “fading” à partir de 4’45 environ), qu’on trouvait sur le pressage précédent, mais une version plus courte, sans doute celle du vinyle original. On chipote, peut-être, mais concernant un solo aussi fameux, c’est un peu dommage… Par ailleurs, il manque une face B du maxi “Rattlesnakes” (une version de “Four Flights Up” enregistrée pour la BBC) et celles du maxi “Cut Me Down” (versions live de “Forest Fire” et “Are You Ready…”, qui auraient tout à fait eu leur place ici). Auraient également pu être inclus les titres d’un live hors-commerce sorti parallèlement à l’album. Mais peut-être les concepteurs de cette réédition ont-ils voulu éviter les doublons, voire “triplons” ou “quadruplons”, à moins que les masters n’aient pas été retrouvés.
Reste à espérer que les deux autres albums du groupe, “Easy Pieces” (85) et “Mainstream” (87), assez sous-estimés, auront droit au même traitement. Ce qui pourrait être l’occasion d’exhumer son excellente prestation au festival de Glastonbury 86, diffusée par la BBC, ou les trois faces B du single “From the Hip”, entre autres raretés d’un groupe qui aura à l’évidence préféré la qualité à la quantité.
Vincent
Perfect Skin
Speedboat
Rattlesnakes
Down on Mission Street
Forest Fire
Charlotte Street
2 cv
Four Flights Up
Patience
Are You Ready to Be Heartbroken ?
Are You Ready to Be Heartbroken ? (demo)
Perfect Skin (démo)
Glory (live)
Beautiful City (live)
Charlotte Street (live)
Sweetness (live)
2 cv (live)
Patience (radio session)
Forest Fire (radio session)
Speedboat (radio session)
Rattlesnakes (radio session)
The Sea and the Sand
You Will Never Be No Good
Andy’s Babies
Glory
Sweetness
Beautiful City
Jesus Said
PS – Lawrence Donegan, aujourd’hui journaliste, a récemment raconté dans The Observer, d’une plume drôle et fine, les répétitions et le mini “reunion tour” des Commotions en Grande-Bretagne et Irlande, en octobre dernier.
A lire également, les souvenirs d’un fan israélien (!), en anglais.
translation follows:
LLOYD COLE AND THE COMMOTIONS – Rattlesnakes (Deluxe Edition)
(Polydor/Universal)
When I interviewed Lloyd Cole in 2003, I asked him if his first album with the Commotions, “Rattlesnakes”, would profit from a new edition in due form on the occasion of the twentieth anniversary of its release, the following year. To which he answered yes, without a doubt, but that no longer being under contract with Polydor, he inevitably would not be consulted, and that moreover there would not be many outtakes to add to the original disc. The re-release of “Rattlesnakes” in the excellent collection “Deluxe Edition” (beautifully done, with slipcase, double digipak and booklet provided), at almost the same time as “Three Imaginary Boys”, the first Cure album, therefore was a pleasant surprise. And even if the bonuses are fewer and less rare than for other new editions of classics, the fan as well as the neophyte has something about which to be delighted.
The first CD contains simply the ten tracks of the remastered album. While there is a welcome reduction of the soundless passages between the tracks, the improvement in sound compared to the earlier CD edition (which dates from the beginning of this medium; besides, its the very first CD that I bought!) is less obvious than in the case of, for example, the first Tindersticks album, also re-released this year, and certainly recorded under more obviously hands-on conditions. But those of you who have a better CD player than mine will undoubtedly hear the difference.
Musically, “Rattlesnakes”, released at the end of 1984, is a nearly perfect disc, without a doubt one of the best “debut albums” of the decade, perhaps of the half-century. It marked, after the punk explosion, the triumph of new wave and the reign (then not yet accomplished) of the neo-romantics and the hairdressers assistants with synthesizers, a return to strong melodies, more traditional sounds, lighter atmospheres, a more sober style of dress, already initiated at the beginning of the 80s by groups like Orange Juice and Aztec Camera – based in Glasgow, like the Commotions. The middle of the decade saw a crop of British bands set out to very diverse successes, whose first albums, released in 84 or 85, were a great breath of fresh air: The Smiths, Everything But The Girl, The Pale Fountains, Prefab Sprout, Microdisney and the noisier The Jesus and Mary Chain.
Of all these remarkable discs, which have become more or less cult classics, “Rattlesnakes” was the most noticed, and the one that sold best. The influences of Dylan, The Byrds and The Velvet Underground, with a smidgeon of vintage soul to boot (particularly on “Forest Fire”), are obvious, but are completely transcended by the quality of the compositions and the flair of the musicians. Twenty years later, while many of the discs of that era have aged extremely badly, a rare freshness still breaks free from these songs with straightforward attacks, clear guitars and string arrangements that are always appropriate (arranged by the incontrovertible Anne Dudley).
The second CD mixes demos, live tracks, radio sessions and B sides of singles. The opportunity to discover in these appreciably different versions of the songs that you know by heart. The disc begins chronologically with the demo of “Are You Ready to Be Heartbroken?” recorded in autumn 1983 by Lloyd Cole, Blair Cowan and Neil Clark, assisted by a drum machine, and not yet joined by the bass player Lawrence Donegan and the drummer Stephen Irvine. Deprived of the reprise of the chorus and of the final string passage (about which one can wonder if it didnt have a strong influence on Joe Pernice of the Pernice Brothers sublime “The Crestfallen”), the song lasts barely more than two minutes. Lloyd Coles singing is faster and more feverish than on the album version and shades towards a Lou Reed “talk-over”. “It came together very easily and we knew we were onto something good”, Blair remembers in the booklet notes: indeed, nothing was lacking at that stage except the means of making these arrangements come true, which Polydor would offer them a few months later.
The five live tracks, collected between June 84 and September 85, show a group with a few rough edges, which had not yet reached the acme of its stage presence, but whose osmosis is dazzling. The CD includes two tracks missing from the album which formed part of their meager set list at the time and which appear a little further on in studio versions: “Glory”, taken from the television, and above all “Beautiful City”, the only true outtake of the album, based on an excellent series of riffs more than on a true melody, whence its having been set aside. “2 cv”, recorded almost a year after the albums release, reveals the groups popularity: the audience sings along with Lloyd (“It sounds like the whole town knows our song”, he states in the notes). Only the lighters are missing.
After the rather anecdotal radio sessions come the B sides from the three singles taken from the album (“Perfect Skin”, “Forest Fire” and “Rattlesnakes”) which, except for “Glory”, were already reproduced on the European CD pressing. “Sweetness” would have greatly deserved a place on the album… if the group had not recorded it a little later, in the middle of a tour. A strange fate also for “Jesus Said”, a number coming out of an 85 session between the first and the second album, which resurfaced in 87 as the B side of “My Bag”.
To finish with a few instances where the re-release falls flat. The absence of lyrics, for one, even though they can be found on the Internet. [The best source is this Webloghttps://www.lloydcole.com/songs.htmltr.] For the remainder, the booklet, in spite of some minor typos, is enthralling reading for fans. The introductory text by Lawrence Donegan and the track by track commentary by the five ex-members of the group, stuffed with anecdotes, make it possible to correct the reputation of seriousness and intellectualism, even pretentiousness, which often clung to Lloyd Cole and the Commotions at the beginning, particularly because of the “name-dropping” in the lyrics. The Anglophone guitarists will appreciate the technical accuracy of the very talented Neil Clark (who, in passing, quotes John McLaughlin and Bill Frisell), in particular on his famous solo in “Forest Fire”. In this connection, here is an oddity: the version of this song reproduced on the first disc is not the “extended one from the single (with the fadeout starting from approximately 445), found on the earlier pressing, but rather a shorter version, undoubtedly the one on the original LP. Perhaps this is merely a quibble, but with such a famous solo, its a bit of a pity… In addition, it lacks a B side from “The Rattlesnakes” single (a version of “Four Flights Up” recorded for the BBC) and those from the Cut Me Down” single (live versions of “Forest Fire” and “Are You Ready…”, which absolutely would have fit in). The tracks of a live promo issued in parallel to the album also could have been included equally well. But perhaps the creative folks behind this re-release wanted to avoid doublets, let alone “triplets” or quadruplets”, unless its just that the masters werent found.
We can hope that the groups other two albums, “Easy Pieces” (85) and “Mainstream” (87), too often underestimated, are entitled to the same treatment. This could be the opportunity to dig up their excellent performance at the Glastonbury Festival in 86, broadcast by the BBC, or the three B sides of the single From the Hip”, among other rarities of a group which obviously preferred quality to quantity.
[author:] Vincent
[translator: heidi]
Perfect Skin
Speedboat
Rattlesnakes
Down on Mission Street
Forest Fire
Charlotte Street
2 cv
Four Flights Up
Patience
Are You Ready to Be Heartbroken?
Are You Ready to Be Heartbroken? (demo)
Perfect Skin (demo)
Glory (live)
Beautiful City (live)
Charlotte Street (live)
Sweetness (live)
2 cv (live)
Patience (radio session)
Forest Fire (radio session)
Speedboat (radio session)
Rattlesnakes (radio session)
The Sea and the Sand
You Will Never Be No Good
Andy’s Babies
Glory
Sweetness
Beautiful City
Jesus Said
PS – Lawrence Donegan, now a journalist, recently wrote in The Observer, with a keen and funny pen, about the rehearsals and the mini “reunion tour” of the Commotions in Great Britain and Ireland, last October.
Also to read, the recollections of an Israeli fan (!), in English.
Link to original article online
Publication: Pop News
Publication date: 31/01/2005